On la voit de loin. Imposante, majestueuse, massive sur la crête rocheuse, la forteresse de Quéribus se dresse à une hauteur de 729 m entre les vallées avoisinantes. Au moyen Âge c’était un point stratégique qui surveillait un des rares passages vers les Corbières: le Grau de Maury qui est un petit col situé au cœur des Corbières.
Le château de Quéribus
En contrebas de la forteresse, le chemin d’approche se lance entre les bosquets d’une végétation verdoyante. Rapidement, on arrive à l’endroit où commence cette crête rocheuse qui fait penser à l’échine d’un dragon. Un dragon dormant depuis des millénaires qui porte sur son dos ce témoin des années de résistance de ceux qui croyaient en une société juste où l’homme s’affranchit des excès et dérives de l’Église catholique.
Quéribus a résisté au roi de France jusqu’au bout, offrant le dernier refuge aux derniers faydits, les chevaliers et les seigneurs qui se sont retrouvés dépossédés de leurs fiefs et de leurs terres lors de la croisade des albigeois. Parmi eux, Chabert de Barbaria, surnommé “Le lion de combat”, seigneur de Puilaurens et de Quéribus. La forteresse est assiégée, mais pas prise. Chabert de Barbeira doit finalement abandonner le château en échange de sa liberté. Ce dernier passe alors des mains aragonaises aux mains françaises. C’est la fin de toute résistance dans le pays. Le roi Louis IX reprend la forteresse et la fait modifier pour élargir les défenses nécessaires à la frontière du royaume.
La porte de la première enceinte
Les premières marches sous forme d’un escalier en chicane. La tête se lève face à une petite porte de la première enceinte de fortification. Il y en a trois en tout. Une porte étroite et munie d’un assommoir qui permet un tir vertical. De toutes parts s’ouvrent les bouches de canonnières et de meurtrières. Aucun angle ne peut leur échapper. On sent les défenses efficaces depuis les premiers pas.
Un autre escalier s’avance vers la deuxième enceinte, avec des vestiges d’une caserne et d’une citerne. Une garnison de 20-25 soldats et, plus tard, même de 10 suffit pour défendre la forteresse.
L'entrée de la troisième enceinte
Par un petit plateau dégagé, surmontant une falaise à pic, on continue la montée vers la troisième enceinte. Dans un mur imposant, une nouvelle porte donne accès au magasin, une salle voûtée, taillée partiellement dans la roche.
Le magasin dédié au stockage
Dans une autre salle, on retrouve les restes des conduites pour collecter l’eau de pluie dans une grande citerne. En face, des pans de murs de ce qui était jadis un logement du gouverneur.
Salle avec citerne d'eau potable
Après quelques pas supplémentaires, on arrive face au donjon. Une petite porte mène dans une imposante salle dite “du pilier”. Elle impressionne par son pilier central et les quatre voûtes et leurs croisées d’ogives qui l’entourent. La masse de l’édifice répartie de cette manière rend l’ouvrage quasi indestructible.
Le pilier (sur une base octogonale)
Cette salle était divisée en deux étages superposés par un plancher. On remarque des restes d’une conduite de cheminée dans la salle supérieure. Les murs massifs, renforcés lors des travaux d’aménagement, me coupent complètement de l’extérieur. Je m’approche du pilier et pose mes mains dessus, comme je le fais avec des arbres dans la forêt. Je ferme les yeux. Des images surgissent du passé. Un homme en manteau court, un col en fourrure, un béret. Une barbe allonge son visage. Il a l’air grave, silencieux. Est-ce Chabert de Barbaira pendant le siège de la forteresse? Peut-être. Le silence dans la pièce n’est dérangé par aucun bruit. Une grande fenêtre taillée dans le mûr à côté de la porte laisse entrer la lumière du soir. Elle fait partie de l’aménagement plus récent du donjon, lorsque le confort prenait le dessus de la technique militaire.
La voûte de la salle du pilier
J’ai envie de rester dans cet endroit chargé d’histoire. Les pierres se rappellent des passages de nombreuses personnes. Le dernier rempart et refuge de ceux qui ont adhéré à une spiritualité épurée des dérives du dogme de l’Église. Une atmosphère grave sans être pesante. Comme souvent dans l’histoire, la pureté des idées et des gestes est souvent ternie par des intérêts de pouvoir. Ce combat ancestral entre la lumière et les ténèbres, à l’image de Saint-Michel qui remet le dragon en terre où il y a sa place, est toujours présent.
La fenêtre dans la salle du pilier
La casemate qui fait face au rochet pour empêcher toute approche
Le château de Peyrepertuse fait face à celui de Quéribus par-dessus d’une vallée.