Chaque chose a son début et aussi sa fin, mais sur une échelle de temps différente. Il y a des acquis du passé, matériels ou non matériels, des traditions spirituelles, profondément imprégnées des coutumes et des rites du passé, sur lesquels nous pouvons continuer à construire, embellir ou ajouter des étages. Ainsi, nous utilisons une base solide, immuable, qui nous rassure et nous permet de garder une forme existante pour faciliter le départ.
La question qu’on peut se poser : est-ce un avantage ou ne vaudrait-il pas mieux faire table rase et reprendre tout depuis le début (from the scratch comme disent nos amis anglophones) ?
Depuis la nuit des temps, l’homme observe l’évolution de la nature et de la société. Il assiste aux catastrophes et aux guerres, comme le Phénix qui renaît de ses cendres. Il n’est pas nécessaire d’aller dans les extrêmes. Même les cycles dans la nature illustrent bien cette mort hivernale et la renaissance printanière. Les cycles de naissance, d’évolution, du déclin, puis de la mort, sont présents partout.

Les religions grouillent de divinités déchues, faisant l’opposition à celles dites “justes”. Dans l’hindouisme, par exemple, la trinité Brahmâ - Vishnou - Shiva, symbolise respectivement la création, la préservation et la destruction. Comme dans la nature, les divinités s’insèrent dans un équilibre recherché. Il faut détruire pour reconstruire, pour maintenir l’univers dans son évolution. Les lois de la physique convergent vers un équilibre en mettant en place des forces qui permettent de tenir ce dernier. La polarité qui assure l’équilibre des forces pour un chemin qui permet d’avancer.

C’est souvent un ressenti que j’ai lorsque j’ai l’occasion de pénétrer dans des endroits cassés, dévastés par le temps. Une maison abandonnée dans laquelle les pièces tombent en ruine. Pourtant, des gens ont vécu dans ces lieux et leurs histoires se sont gravées dans ces murs. S’il s’agit des châteaux ou des monuments prestigieux, on les répare. Pour des installations industrielles, des usines désaffectées ou de simples maisons d’habitation, l’effort fourni est, dans la plupart du temps la destruction. Raser tout pour le faire disparaître, car toute rénovation serait trop chère. Et pourtant, il y a des gens qui tombent sous le charme d’une telle maison et la font renaître de ses ruines.

Il y a eu une période de romantisme, un retour à la nature, qui se reflète non seulement dans la manière de vivre, mais aussi dans la musique, la peinture et la littérature. Des ruines de châteaux, des formations rocheuses naturelles, des fleuves et d’autres formes forgées par l’érosion naturelle. Celles-ci sont, certes, bien plus harmonieuses en comparaison avec une maison en ruine, dont le toit s’est effondré sous l’érosion des murs porteurs. Alors, la question revient: raser ou réparer ? À chacun de trouver la réponse et sa juste voie.

Cette question surgit dans la pression exercée actuellement sur la neutralité suisse. Au cours de son évolution, les tensions géopolitiques ont permis de souder les populations et évoluer vers un état fédéral dont la démocratie directe, si elle fonctionne correctement, assure la prospérité du pays et de sa population. Au vu du déclin social et politique d’une Union européenne, voulons-nous vraiment balayer les acquis historiques qui ont fait leurs preuves et piétiner l’héritage de nos ancêtres ?

