Prague sous le soleil entre l’été mourant et l’automne naissant. Les feuilles des arbres commencent petit à petit à changer de couleur. Marchant, nous nous éloignons de la circulation bruyante du quartier de Vinohrady, dans une rue bien plus paisible. La façade de la maison manifeste discrètement les décorations de l’Art Nouveau. Nous nous arrêtons devant la porte et nous annonçons par téléphone. La sonnette ne fonctionne pas. Martin Stejskal nous fait entrer dans son appartement. Ses peintures sur les mûrs nous amènent dans son univers de peinture surréaliste.
L’œil se fait vif lorsqu’il parle de son art, de sa passion commencée dans les années 60 du siècle dernier, lorsque l’ouverture politique et artistique se faisait sentir. Sous un certain regard, le surréalisme, comme regard sur la vie actuelle, est de nouveau d’actualité.
Nous parlons aussi de l’hermétisme tchèque et de son influence à ses œuvres. Des dimensions au-delà d’un simple regard, une pénétration dans les profondeurs de la perception. Une réalité ou une simple interprétation? Martin Stejskal a apprivoisé la nouvelle approche artistique proposée par les nouvelles technologies informatiques pour décrire son ressenti. Une image formée dans sa pensée, exprimée par des mots, est ensuite interprétée au moyen de l’intelligence artificielle générée par l’ordinateur. Le pinceau remplacé par un logiciel AI. Il en résulte de nombreuses images réunies dans des vidéos accessibles sur YouTube.
Une approche intéressante où le trait d’un pinceau est remplacé par des ensembles de lettres et des mots entrés dans un programme d’ordinateur qui se charge de les reproduire. Une alchimie entre l’homme et la machine utilisant des moyens inédits.
En parallèle avec la peinture, Martin Stejskal continue à faire des traductions des livres des auteurs français, mais aussi en collaboration avec l’Institut français à Prague.
Il nous montre le livre édité ensemble avec un collectif de six personnes et intitulé “Veselá věda” (Connaissance joyeuse). Partant de l’ancien livre Mutus liber, la question posée était: comment l’intelligence artificielle pourrait-elle se débrouiller avec une description orale des anciennes planches muettes? Environ 200 planches picturales ont été créées tout au long du projet, dont 91 sont incluses dans le livre. Une sélection des peintures restantes sera exposée pour la première fois à la bibliothèque municipale de Písek au début du mois de mars 2025.
La bouteille de vin sur la table est presque vide. Les rayons du soleil déclinant dessinent des traits sur les murs à travers les rideaux. Profitant de cet éclairage, nous demandons de pouvoir faire quelques photos. Les œuvres prises entre les mains de leur auteur dégagent une autre vibration.
L’après-midi est bien avancé lorsque nous nous quittons. Le surréalisme tchèque est toujours vivant à travers d’un groupe d’artistes et évolue en relation avec notre monde.